Senegal: Creation d'une organisation transfrontieres de gestion integree des ressources en eau dans le bassin du fleuve Senegal (#45)

Description

Le Fleuve Sénégal s’étend sur 1800 kilomètres avec un bassin de 289 000 kilomètres carrés et un débit de 24 milliards de m3. La population du Bassin du sénégal est estimée à 16% de la population totale des trois pays. Le bassin a connu de vastes mouvements migratoires du fait de l’aggravation de la sécheresse et de la désertification qui ont frappé la région au cours des deux dernières décennies. Les deux dernières décennies ont connu une baisses graduelle des taux moyen annuel de pluviométrie tout comme dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, en particulier dans la région du sahel. Les menaces qui pèsent sur l’environnement englobent la sécheresse persistante, la désertification, la perte des terres arables et de pâturage et la pollution due aux déchets industriels et des ménages. En termes de potentialités, le Bassin du Sénégal compte 375 000 ha de terres irrigables, 200 MW pour la production de l’énergie hydroélectrique et 900 km de voies navigables. 

Dans l’optique de la résolution des problèmes et de la concrétisation des potentialités du Bassin, l’Organisation pour le Développement du Fleuve Sénégal a été créée en 1972 par trois des quatre Etats riverains. Les objectifs de l’OMVS consistaient à (i) promouvoir la coopération inter-pays ; (ii) coordonner les études techniques, économiques, et les autres activités en rapport avec le développement du Fleuve Sénégal, telles que la navigation, l’irrigation, la production de l’énergie hydroélectrique, la protection et la conservation de l’environnement ; (iii) règlementer le débit du fleuve pour les besoins d’irrigation, de navigation, de lutte contre les inondations, de production d’énergie, d’approvisionnement des industries et des ménages en eau, etc.. 

Le Secrétariat du Bassin est financé de manière conjointe et sur la base d’une formule agréée par les trois pays. Par ailleurs, les emprunts contractés pour les deux barrages sont remboursés au prorata des bénéfices que les trois pays tirent du projet. A l’heure actuelle, la production d’énergie est en cours. Cette énergie est fournie au Mali et la Mauritanie et le Sénégal en bénéficieront bientôt à leur tour. Quant aux activités d’irrigation, elles incombent aux communautés locales qui sont organisées et bénéficient d’une assistance financière et d’autres facilités pour la réalisation de leurs activités agricoles. 

Leçons apprises

De nombreuses leçons précieuses peuvent être tirées de ce projet qui a connu du succès :

  • La déclaration selon laquelle un bassin partagé est un bassin international, et à ce titre, il doit être géré de manière conjointe par les Etats riverains comme une ressource commune et dont tous doivent tirer profit permet de promouvoir une vision commune entre les Etats, tout en favorisant l’esprit de coopération et de concertation en matière de gestion des ressources en eau en vue du développement socio-économique et de la préservation de l’intégrité de l’environnement sur l’ensemble du Bassin ;
  • Si tous les Etats riverains ne sont pas en mesure de s’impliquer dans le programme, il convient d’entamer le processus avec ceux qui peuvent le faire dans le but d’obtenir l’adhésion éventuelle de tous les pays ;
  • La Convention portant création d’une organisation du Bassin du Fleuve Sénégal doit se focaliser sur le développement régional intégré des Etats riverains grâce à la gestion des ressources communes en eau ;
  • Les dispositions de ladite convention doivent être souples et avant-gardistes ;
  • Il importe, au moment de la mise en place des infrastructures, de bien préciser la zone qui sera desservie ainsi que les futurs bénéficiaires ;
  • Les conventions conclues pour déterminer le statut des travaux d’intérêt commun et leurs modalités de financement fournissent des leçons fort utiles concernant la prise en compte, dès le début, des intérêts des Etats membres ;
  • Les questions relatives à l’environnemental devront englober la préservation de l’intégrité des écosystèmes aquatiques ainsi que les impacts spécifiques des infrastructures sur l’environnement ;
  • Un modèle de simulation du débit du fleuve s’avère utile pour la planification et la maximisation du fonctionnement des infrastructures. Ce modèle peut également servir de support aux décisions telles que celles prises par la Commission Permanente de l’Eau ;
  • L’élaboration, dès la création de l’organisation, d’un programme régional de planification et de développement crédible offre la possibilité de se concentrer sur la mise en œuvre plutôt que de consacrer trop de temps à des études de faisabilité ;
  • L’engagement des Etats membres est plus facile à obtenir lorsque ces derniers sont conscients que leurs sacrifices financiers aboutiront bientôt à un développement palpable sur le terrain ;
  • Les projets mettront du temps avant de devenir économiquement et financièrement viables et les Etats membres devront comprendre qu’il leur incombera de rembourser les dettes éventuellement contractées par l’organisation;
  • Le savoir, les infrastructures, l’information, les marchés et les moyens financiers sont importants pour la réussite des populations locales. Les dispositions institutionnelles prises en vue de l’implication des consommateurs de l’eau comme les agriculteurs doivent en tenir compte.

Importance du cas étudié pour la GIRE

Le présent cas illustre la manière dont la création d’une infrastructure institutionnelle et juridique peut s’effectuer en plusieurs étapes depuis la date de la réglementation du débit de la ressource en eau partagée à celle de sa gestion, de sa mise à la disposition des différents secteurs dans les Etats membres riverains jusqu’à celle de l’utilisation de l’eau pour l’agriculture, la production d’énergie, la navigation, etc., ainsi que pour la satisfaction des besoins liés aux écosystèmes et la lutte contre les impacts négatifs du développement sur l’environnement.


Photo credit: Lies Van Rompaey